Les prérequis pour faire de la médiation animale 2/3 - Les qualités/capacités de l'intervenant8/31/2022 Après avoir parlé de la formation nécessaire pour faire de la médiation animale (si vous n’avez pas lu cette première partie vous la trouverez juste ici) abordons le sujet des qualités et capacités (ou savoir-faire) qu’un intervenant doit avoir pour exercer ce métier. Bien sûr chaque personne est différente et c’est une richesse immense pour les bénéficiaires mais certaines personnalités ne colleront pas forcément avec ce métier (comme pour n’importe quel métier en fait…) et certaines qualités sont, pour moi, essentielles à avoir pour pouvoir exercer correctement. Les voici : Relation d'aidePour être intervenant en médiation animale il faut avoir la volonté (réelle et pas juste pour faire semblant sinon ça finit par se ressentir) d’aider des personnes en difficulté. Ça parait évident… et pourtant ! Beaucoup de personnes s’arrêtent à l’adjectif « animale » et oublient le mot le plus important qui est « médiation ». Faire de la médiation animale ce n’est pas « travailler avec les animaux » c’est « accompagner des personnes en difficulté ou fragilisées, à l’aide d’animaux ». L’animal n’est pas une fin en soi c’est un moyen, comme un psychologue qui ferait de la zoothérapie avec son chien, son but premier reste d’aider ses patients mais l’aide qu’il apporte est facilitée et/ou améliorée grâce à l’animal. Il faut certes aimer les animaux, mais aussi l’humain. Malheureusement beaucoup d’amis des bêtes en viennent à dénigrer (voire à détester/diaboliser/vouer une haine/vous pouvez rajouter les synonymes que vous voulez) tout ce qui a trait aux humains. Evidemment ne pas aimer son voisin qui se plaint des aboiements de votre chien et tire la tronche dès qu’il vous voit ne fait pas forcément de vous un mauvais candidat. Les personnes désireuses de s’engager dans un travail basé autour de la relation d’aide sont en général des personnes très empathiques, c’est-à-dire qu’elles peuvent se mettre à la place de la personne aidée mais seulement dans un souci de comprendre ce que celle-ci peut ressentir ou comment elle perçoit les choses par rapport à sa situation ou son handicap. L’empathie est une « démarche » cognitive, le but est la compréhension mais il faut faire attention à ne pas tomber dans l’émotion, le ressenti. Se mettre « à la place de » pour comprendre mais pouvoir se protéger pour ne pas ressentir réellement le mal-être du bénéficiaire. Bien sûr que certaines maladies, certains handicaps, certaines personnes vont nous toucher, à cause des sensibilités différentes de chacun, à cause de notre histoire personnelle, etc. Il faut savoir mettre une barrière, se protéger et en même temps ne pas devenir non plus un glaçon dénué de toute émotion. Il faut trouver le juste milieu mais clairement on ne peut pas aider une personne dont les difficultés nous font immédiatement monter les larmes aux yeux. PatienceOh oui il faut en avoir et pas qu’un peu ! Pour rebondir sur le point précédent, la patience est-elle plus importante pour traiter avec les humains ou avec les animaux ? Que chacun se fasse sa propre opinion, moi je déclare qu’il en faut pour les deux ! Commençons avec les animaux. Soyons réalistes, non ce ne sont pas des petits anges envoyés sur Terre ayant pour seul mission de propager l’amour et la paix. J’exagère, mais vous voyez le propos. Ce serait d’ailleurs à mon sens insulter leur intelligence et dénigrer le fait qu’ils soient des êtres sensibles (dans les émotions il y a aussi le fait de pouvoir ressentir de la colère). Alors déjà au quotidien, même sans travailler avec eux, il faut être armé d’une patience solide, si on part au quart de tour pour un pipi à côté, pour un câble rongé, ou quand il faut établir un plan de guerre pour administrer un médicament, ce serait la cata ! En médiation animale il faut avoir la patience pour éduquer, familiariser nos animaux à ce que l’on attend d’eux, car cela prend beaucoup de temps. Les habituer à des sons, des odeurs, des objets auxquels ils vont être confrontés. Et pour certains animaux, tout simplement les habituer à nous (dédicace à ceux qui ont des cochons d’Inde). Pour travailler avec eux, il faut déjà avoir une relation solide en amont. Lorsqu’on y arrive enfin c’est tellement gratifiant, l’attente et le temps consacrés en valaient la peine. Des fois, toujours parce qu’ils sont vivants et qu’ils ressentent des choses, ils vont être fatigués ou ne pas vouloir faire ce qu’on leur demande et on ne peut rien faire d’autre qu’accepter et respecter leur envie. C’est en soi une forme de patience. Concernant les bénéficiaires, on peut avoir besoin de patience pour toutes sortes de raisons, tout dépend du public avec lequel on intervient. Pour les personnes âgées, il faut pouvoir s’attendre à ré entendre la même question, posée par la même personne, et répondre la même réponse, plusieurs fois au cours d’une séance. Des fois plusieurs fois au cours d’une même conversation ! « Alors c’est un mâle ou une femelle ? » « C’est un mâle. » « Et il s’appelle comment ? » « Picchu ! » « Picchu, qu’est-ce qu’il est mignon. Enfin je dis « il » mais c’est peut-être une demoiselle, c’est un mâle ou une femelle ? » « C’est bien un mâle, regardez. » *retourne le cochon d’Inde pour montrer les noisettes, une image vaut mille mots* Bien sûr qu’on ne va jamais dire à une personne âgée qu’elle a déjà posé cette question cinq fois, alors on sourit et on redonne la réponse autant de fois qu’il faut avec la même énergie que si on y répondait pour la première fois. La patience peut se traduire par le fait d’aller lentement, des fois très lentement, que ce soit dans les gestes ou dans la parole, de devoir ré expliquer plusieurs fois des consignes, des fois en essayant plusieurs manières pour pouvoir se faire comprendre correctement, de répéter plus fort car la personne n’entend plus très bien, de prendre le temps d’aider et de rassurer lors d’une activité pour éviter le sentiment d’échec, etc. On ne s’en rend pas compte en cours de séance, mais des fois à la fin, sur le chemin du retour on se sent d’un coup fatigué comme si on avait accompli quelque chose de très physique, mais qui est en fait la conséquence de toute l’énergie et le mental fournis pendant la séance. Il faut savoir s’en décharger par la suite. AdaptationJ’ai déjà eu des séances où un de mes animaux se posait dans son panier et ne voulait plus bouger de toute l’heure. Les bénéficiaires, mais encore plus les référents il faut l’avouer, ont des attentes par rapport à nos animaux. Bien sûr on ne va pas obliger l’animal à se déplacer sur la table s’il veut rester posé, à manger s’il n’en a pas envie, à se faire caresser s’il en a marre. Mais en même il faut s’assurer de ne pas créer de frustration ou de déception vis-à-vis des bénéficiaires et pour ça il faut faire preuve d’une grande adaptabilité. On peut expliquer la situation, faire un point sur le respect et le bien-être animal, essayer de rendre le comportement de l’animal plus intéressant qu’il n’y parait au premier abord. On peut tourner la situation de façon à ce qu’elle devienne comique et engendrer des rires et de la bonne humeur. Les animaux représentent un miroir émotionnel pour les bénéficiaires et c’est ce qui fait que la médiation animale permet de très belles choses mais cela peut aussi avoir un côté négatif selon la situation et il faut savoir y remédier. Par exemple un animal va manger la courgette découpée par un des bénéficiaires mais va bouder le poivron soigneusement coupé du bénéficiaire voisin. Ce dernier peut vite faire le parallèle suivant « Il a mangé le légume du camarade, il l’apprécie. Il ne veut pas manger ce que je lui propose, ça veut dire qu’il ne m’aime pas ». Ce qui peut engendrer une réelle tristesse. Il faut pouvoir agir rapidement, en passant par des explications, en détournant l’attention du bénéficiaire vers un autre animal ou en faisant en sorte de lui faire comprendre qu’il n’a rien fait de mal. Par exemple : « Tu sais Picchu adore la courgette c’est pour ça qu’il mange ça en premier, peut-être qu’il viendra manger ton poivron après, et toi je suis sûre que tu as un aliment préféré aussi ? » Ou alors : « Picchu n’est pas trop fan du poivron, mais Chichén lui il adore tu peux lui en proposer ! Tu peux prendre un bout de chaque légume sur la table même si tu ne les as pas coupés et voir les préférences de chaque animal. » En tout cas ne jamais laisser un bénéficiaire avec un sentiment de mal-être ou d’incompréhension. Il faut aussi pouvoir s’adapter lors de situations pas très plaisantes lors desquelles il faut repenser et changer rapidement ce que l’on avait prévu de base. On avait prévu tel animal pour telle séance et finalement le jour J il a un souci de santé et on ne peut pas l’emmener. On arrive dans l’établissement, le référent s’est trompé dans le planning et a amené le mauvais groupe, qui n’a pas du tout les mêmes capacités que l’autre groupe, il faut changer les activités prévues. On avait prévu une activité pour 6 personnes, on arrive dans l’établissement, quatre d’entre eux ont la Covid il faut changer pour une activité faisable à deux. Il faut toujours pouvoir avoir un arsenal de rechange dans les affaires emmenées et concocter un plan de secours ou improviser rapidement si besoin. Telle une pieuvre qui change de couleur à la vitesse de l'éclair pour s'adapter à un nouvel environnement ! CréativitéUn intervenant en médiation animale travaille forcément avec du matériel pédagogique, en plus de ses animaux. On peut faire le choix d’acheter du matériel déjà tout prêt mais il sera toujours plus intéressant de le fabriquer soi-même quand on peut. Fabriquer son matériel c’est pouvoir le personnaliser à l’effigie de ses animaux. Ce qui peut être essentiel pour certaines activités pour pouvoir faire le parallèle entre le matériel et les animaux présents, mais aussi tout simplement le rendre attrayant pour les bénéficiaires. Des cartes avec les photos des animaux qu’ils connaissent et apprécient leur donnera peut-être plus envie de s’investir dans ce jeu que des cartes avec des animaux inconnus. Fabriquer son matériel c’est aussi avoir du matériel adapté aux publics que l’on vise. Que ce soit au niveau de la taille, des couleurs, des matières, des images, de la police, il faut imaginer comment il sera perçu et manipulé par nos bénéficiaires, tout en prenant en compte leurs éventuelles difficultés motrices et cognitives. Alors pour celles et ceux qui ont un talent en dessin, peinture, collage, couture, menuiserie, vous pouvez vous en donner à cœur joie ! De façon générale, que ce soit dans la création du matériel ou dans la préparation des séances il faut s’attendre à innover régulièrement car on ne va pas refaire la même activité trois fois avec les mêmes personnes. Mais pour nous éviter aussi à nous-même de devoir refaire toujours les mêmes choses ce qui serait lassant à la longue. Et faire une activité qu’on en a marre de faire pourrait impacter la qualité de l’accompagnement qu’on propose. Douceur et bienveillanceSont les mots d’ordre que ce soit avec les animaux ou les humains. Est-ce qu’il y a besoin de débattre là-dessus en vérité ? Ça devrait être évident pour n’importe quel métier impliquant de la relation d’aide, qu’elle soit tournée vers des humains ou des animaux. Que ce soit dans la voix, les gestes, le contact, tout comportement entrepris envers les bénéficiaires devrait être bienveillant. Ce qui ne veut pas dire se laisser marcher sur les pieds ou accepter des comportements irrespectueux que ce soit envers nous ou envers les animaux. On peut être ferme tout en étant bienveillant. La bienveillance est étroitement liée à la patience et à l’empathie. Avant de déplacer une personne en fauteuil roulant on va la prévenir et s’assurer qu’elle a bien compris qu’elle allait être déplacée, on va faire attention aux griffes lorsque l’on pose un animal sur un bénéficiaire qui a la peau très fine et fragile, s’assurer de nommer et décrire ce que l’on donne à toucher à une personne mal voyante ou lui expliquer ce qu’il se passe devant elle. La bienveillance nécessite de pouvoir déduire quelles conséquences sur le bénéficiaire aura un comportement de notre part, s’il est fait de telle ou telle manière. Et la bienveillance nécessite de prendre le temps qu’il faut. Observation et anticipationC’est là qu’avoir fait des études ou une formation en éthologie est intéressant car cela aiguise notre sens de l’observation et nous pouvons analyser les comportements sous un angle nouveau. Ajouté à ça une connaissance des comportements spécifiques à tel animal ou tel public, permet de comprendre instantanément un comportement ou une parole et de connaitre les besoins d’un bénéficiaire ou d’un animal à un moment T. Bien sûr il arrive des fois qu’on ne comprenne pas l’intention qu’il y a derrière un comportement et c’est là que le référent doit nous éclairer. Il arrive aussi des fois que même les référents ne comprennent pas et là il faut creuser et essayer plusieurs pistes pour comprendre. Par exemple avec des enfants atteints de polyhandicap qui ne parlent pas et sont très limités au niveau de leurs mouvements il est parfois très difficile d’interpréter leurs mimiques ou leurs sons. Était-ce un sourire ou une grimace de gêne quand il a senti le contact avec l’animal ? On réessaye lentement et on observe le reste du corps, on cherche l’indice qui peut nous éclairer. Pour s’assurer de la sécurité de nos animaux il est aussi important de pouvoir anticiper, là il n’est plus question de comprendre un comportement mais de déceler le plus tôt possible si un comportement va être initié de la part d’un bénéficiaire. Encore une fois il est très important de connaitre son public et d’avoir l’œil partout à chaque moment. Ce qui peut être très épuisant ! Encore une fois cet article a pour but d’apporter des informations et conseils aux personnes voulant faire de la médiation animale leur métier, qu’elles puissent se poser les bonnes questions avant de se lancer. Bien sûr ces réflexions sont subjectives, elles découlent de tout ce que j’ai appris théoriquement mais sont illustrées de mon expérience personnelle.
Merci d'avoir lu jusqu'à la fin !
0 Commentaires
|
AuteurNour Babaali Archives
Août 2022
Categories
Tout
|